Le 24 septembre 2006, le monde célèbre la Journée mondiale du cœur. Cette année, le thème retenu est : «Garder un cœur jeune». A l'instar des autres pays du monde, le Maroc fêtera cet événement en organisant des conférences de sensibilisation, en éditant des articles dans la presse et en menant une action de sensibilisation auprès de la population.
Objectif : attirer l'attention de tous sur le risque cardiovasculaire et sur l'importance de la prévention, tout en incitant les gens à adopter un mode de vie sain.
«Aujourd'hui, les maladies cardiovasculaires constituent ce qu'on pourrait appeler une épidémie mondiale non transmissible. Elles tuent plus que les accidents sur la voie publique et davantage que les cancers», déclare Ahmed Bennis, professeur de cardiologie, chef de service en cardiologie à l'hôpital Ibn Rochd et ancien président de la Société marocaine de cardiologie. Chaque année, 25 millions de patients décèdent de maladies cardiovasculaires et d'accidents vasculaires cérébraux. Ces pathologies concernent surtout les pays en voie de développement où 16 millions de personnes sont emportées par cette maladie.
Tabac, hypertension artérielle, cholestérol, diabète, sédentarité et obésité sont autant de facteurs de risque qui en favorisent l'apparition. Et pourtant, en passant outre le tabac et en adoptant un mode de vie sain, on peut éviter jusqu'aux 2/3 des accidents cardiovasculaires. Et le professeur Bennis d'expliquer : «Ces facteurs de risque sont liés à l'hygiène, au mode de vie et à l'alimentation.
Aujourd'hui, nous constatons que les populations s'occidentalisent. Suralimentées, elles se sédentarisent de plus en plus. L'absence d'activité physique touche jusqu'à 70% de la population marocaine. Ce qui se traduit par les maladies cardiovasculaires.» Le Maroc est, selon les spécialistes, un pays à haut risque cardiovasculaire. Les statistiques nationales, alarmantes à cet égard, le confirment : 33, 6% des Marocains examinés sont atteints d'hypertension artérielle, 6% sont diabétiques, 13% sont obèses et 29 % ont un taux de cholestérol élevé (plus de 2 g/l).
Face à cette propagation, les malades n'accèdent pas aux soins dans les établissements de santé spécialisés malgré l'évolution enregistrée dans ce domaine au Maroc. Et pour cause, le coût des maladies reste élevé.
Une coronographie coûte 8.000 Dhs, une dilatation coronaire 32.000 Dhs, une intervention de pontage peut aller de 90.000 Dhs à 100.000 Dhs, une valve cardiaque coûte entre 80.000 et 100.000 Dhs.
Les opérations à cœur ouvert nécessitent 80.000 à 100.000 Dhs. «Ces interventions ne dépassent pas les 800 au Maroc, contre 1.600 en Algérie et 2.000 en Tunisie. On est loin de la France et du Canada qui sont à 50.000 interventions par an», commente notre spécialiste. Autre carence du système sanitaire au Maroc, la non-généralisation de la couverture sociale.
Seulement 15% de la population en bénéficient. Lequel taux est appelé à atteindre les 30% grâce à l'AMO. Les associations caritatives tentent, par les moyens dont elles disposent, de contribuer à la généralisation des soins, mais leurs actions restent très limitées et largement insuffisantes.
En revanche, ce dont le pays a besoin, c'est d'une politique de formation des cardiologues à l'horizon 2010 pour avoir un nombre suffisant de spécialistes qu'il faudrait ensuite répartir sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, seuls 7 cardiologues marocains sont en exercice pour couvrir les besoins en soins d'un million d'habitants. De même que les centres de référence sont concentrés sur l'axe Rabat-Casablanca. D'où le besoin d'en créer dans d'autres villes et de les munir de structures d'urgence en cardiologie.
«L'action de la Journée mondiale du cœur ne devrait pas rester isolée mais s'étendre sur toute l'année. Cela devrait rentrer dans le cadre d'une stratégie globale. Le ministère de la Santé a fait des maladies cardiovasculaires une priorité. Il a déjà mis en place un programme national de lutte contre l'hypertension. Mais c'est un programme qui doit intéresser aussi bien les sociétés savantes, les laboratoires pharmaceutiques et tous les acteurs de la Santé», préconise le Pr Bennis.
L'appel est lancé, il ne reste plus qu'à le traduire en actions.